Rencontre avec Sophie Bienaimé

Hey ! Au détour de ma visite des Grandes Ecuries de Chantilly, j’ai pu rencontrer Sophie Bienaimé, directrice des écuries de Chantilly. Un pilier dans ces écuries, qui s’est très gentiment prêté au jeu des questions réponses.

Comment en êtes vous venue à faire ce métier ?

Mes parents sont à l’origine du musée vivant du cheval, mon père avait 3 centres équestres, passionné par ce lieu il a vendu tous ses centres équestres pour s’y consacrer. Il était professeur à l’époque du colonel Jousseaume. Il trouvait que c’était dommage que cette écurie ne soit pas connue du grand public. A l’époque c’était un club très sélect, il n’y avait que 400 membres. Du coup, il a inventé le concept de musée du cheval en 1982, moi j’avais 15 ans, j’ai adoré et j’ai suivi. Et quand le musée à été vendu aux écuries Aga Khan j’ai été « achetée » dans le lot !  J’ai de la chance, ils m’ont gardé et moi j’adore être ici ! 

 

Quelles sont les contraintes de votre métier?

Il faut une forme physique impeccable, il faut avoir un mari qui accepte ce travail militaire, accepter de ne pas avoir ses week ends et savoir s’adapter à tout moment. 

Comment sélectionnez vous vos chevaux ?

Oh bah ça c’est bien compliqué. On achète en Espagne au Portugal, sur des petites annonces ou via des marchands de chevaux. On se déplace pour les voir, on est séduit plus par certains que d’autres. Puis arrive le moment où ils arrivent aux écuries. Et parfois, malheureusement, cela ne marche pas toujours, les contraintes du cadre de l’écurie font que certains chevaux ont du mal à s’adapter. Donc, quand on sent que le cheval n’est pas bien chez nous, on voit pour l’échanger avec la personne qui nous l’a vendu. On pense avant tout au bien-être du cheval.  En ce qui concerne la valeur du cheval c’est variable, par exemple nous avons acheté un espagnol croisé anglo-arabe à 2 000 euros et il fait complètement le job !

 

 Comment les formez vous ?

En général, ils arrivent à l’écurie entre 4 et 6 ans, on forme les jeunes, mais il nous est arrivé que l’on en prenne des plus vieux, car exceptionnels ! 

Pour les préparer aux spectacles, on se sert des animations pédagogiques, où on apprend au public comment on forme nos chevaux, c’est l’opportunité de confronter les chevaux au public, aux applaudissements, aux micros, etc. 

En général, on commence par les sortir en extérieur, dans la magnifique forêt de Chantilly, puis après on les sort sur la petite carrière de la cour des écuries, puis enfin on les travaille sur la piste de spectacle (13 m de diamètre). Mais là, par exemple mon jeune, tous les matins, je le tourne sur la piste de 13 m pour qu’il s’acclimate.

Globalement, ils sont formés de façon très classique, on travaille les mouvements de dressage, épaule en dedans, appuyer, longs et bas au départ pour étirer les chevaux. Plusieurs professionels interviennent pour nous apprendre à bien travailler nos chevaux afin que sur la piste de 13 m ce ne soit pas les articulations qui prennent. 

Dans un 13m il faut développer la souplesse, en somme : l’épaule en dedans et l’appuyer sont nos exercices de prédilections

Que deviennent les chevaux à l’âge de la retraite ?

A la retraite on recherche des familles, disposant de prairies, pour offrir à nos chevaux le meilleur, on demande à ce qu’ils ne fassent plus de spectacles pour qu’ils puissent savourer leur retraite mais ils sont de parfaits maitres d’école pour leur nouveau propriétaire.

 

Combien de cavlières composent votre équipe ?

On est 9, la plus ancienne est parmi nous depuis 15 ans, c’est une équipe très soudée.

Quelles sont les qualités indispensables pour devenir une cavalière de Chantilly

Le courage la passion le travail l’envie, la créativité mais surtout ce métier demande d’être très rigoureux. L’art c’est dépasser la technique mais il faut faire de la technique pour y arriver ! Il faut avoir l’esprit d’équipe, mais surtout aimer les Grandes écuries. C’est très particulier d’être là, c’est une chance extraordinaire. Il faut être sensible à la beauté du lieu, c’est magique d’être là !

Comment sont-elles recrutées ?

Alors je n’ai pas beaucoup de places mais je n’ai pas beaucoup de demandes non plus ! Et pas de garçon jamais ! Sur 13 ans il y a eu 3 demandes d’hommes, c’est pour ça que j’embauche des cavaliers de spectacle qui arrivent avec leurs propres chevaux qui sont là pour des spectacles bien particuliers.

Les cavalières arrivent avec leur niveau, je regardent qu’elles aient une bonne position, mais on se donne des conseils mutuellement tout le temps. C’est un échange perpétuel.  

Quel est le quotidien d’une cavalière ?

Ça commence à 8h, les chevaux sont soignés, brossés, il faut faire les mangeoires les toiles d’araignées. Les palefreniers sont là dès 6h car les visiteurs arrivent à 10h. Une fois que les cavalières ont fait les chevaux, au moins ceux de l’intérieur, elles peuvent monter leur cavalerie. Et après en fonction des animations, spectacles, elles vont organiser leur emploi du temps en fonction des différentes animations et des rôles de chacune.

Qui est derrière l’écriture et la mise en scène des spectacles ?

Moi au départ, je propose des thèmes, mais je veux avoir l’adhésion de la troupe, parce qu’à la fin je vais faire partie du spectacle certes mais il faut que les cavalières qui en font parties l’adoptent pour pouvoir le défendre. 

C’est un travail collectif : le but c’est d’être ensemble et contentes. Je travaille avec Mathilde (cavalière des écuries) , ses grands parents étaient comédiens, elle apporte donc sa patte avec ma soeur qui est metteur en scène. 

Quelles sont vos sources d’inspiration pour créer vos spectacles ?

Beaucoup de pages blanches ! Globalement c’est mon quotidien qui m’inspire. Pour « Nature » par exemple c’était le jardinage, je déteste les mauvaises herbes, j’ai passé ma journée à arracher des mauvaises herbes et au final à la fin de la journée je me suis dit que je n’avais pas passé une si mauvaise journée parce que j’étais dans la nature. J’ai donc eu envie de rendre hommage de la nature. Ce thème a totalement été adopté par toutes les cavalières.

Pour moi, pour créer il faut que j’agisse, il faut que je dresse un cheval, que je sois dans le dôme que je mette de la musique.

 

Pour composer, mettre en scène un tel spectacle combien de temps mettez-vous ?

Je dirais que ça va vite et que ça va lentement. Les textes sont écrits depuis 6 mois, vus, revus et corrigés par la direction du château, par ma soeur metteur en scène, par Mathilde et moi-même quand on s’est rendu compte qu’à dire ce n’était pas si simple. 

En ce qui concerne les numéros, on a commencé à les travailler en mai, en parallèle des autres spectacles.  Pour que ça marche on fait tout à pieds sans cheval en mettant les costumes en faisant les chorégraphies pour gérer les roulements et changements de costumes.

Quelle est la partie que vous préférez faire aux écuries ? 

J’adore éduquer un cheval et l’emmener en spectacle. C’est un vrai plaisir pour moi, parmi tous les autres : les moments de création, mettre en valeur les cavalières et leur travail, de leur dire « je crois en toi propose moi un numéro et on voit ensemble ce qui va et ce qui ne va pas ».

 

Si vous n’aviez pas été à la direction de Chantilly, qu’aurait été votre vie d’après vous ?

Je me suis souvent posé cette question, je pense que j’aurai fait du théâtre, et j’aurai quand même fait du cheval. J’avais fait des études d’attachée de presse parce qu’on m’a toujours dit  « on n’en vit pas »

Mais je serai restée dans l’art car c’est très important et les chevaux c’est très important aussi. 

Avez vous songé à votre relève ?

Oui évidemment, c’est pour ça que nos rôles changent entre cavalières, par exemple là pour le spectacle suivant c’est Mathilde qui va enfiler mon costume ! On est toutes sur la même longueur d’onde en ce qui concerne notre façon de faire au sein des écuries, je ne me fais pas de soucis pour la relève ! 

 

Voilà, c’est tout pour aujourd’hui, j’ai grandement apprécié la rencontre de cette personne qu’est Sophie, amoureuse de ce site plein d’Histoire, des chevaux et de l’art. Pour suivre leur aventure au quotidien n’hésite pas à suivre la Compagnie Equestre des des Grandes écuries de Chantilly sur Facbook.